
Services secrets turcs : leur action en Europe – Constantin Pikramenos
avril 16, 2025
Des documents confirmeraient les liens étroits entre Qatar et Hamas
juin 11, 2025Ceux qui suivent l’actualité des Frères Musulmans en France n’apprendront pas grand chose du rapport sur la confrérie, rendu public en mai 2025 dans une version allégée de détails classés confidentiels. Le nombre de mosquées directement liées à « Musulmans de France », l’ex UOIF, était connu, ainsi que le nombre d’écoles primaires et secondaires, réunies au sein de la fédération nationale de l’enseignement privé musulman. Les financements par le Qatar de leurs mosquées ont fait l’objet d’un livre entier (Qatar papers, éditions Robert Lafon, 2019), les associations satellites comme le CCIF, Havre de Savoir, et médias comme AJ+ sont bien connues. Le mérite de ce rapport est d’avoir synthétisé et mis à jour les principales données sur cette mouvance en France.
Le nombre de 139 mosquées, sur 2600, parait presque rassurant, mais il est en trompe l’oeil. Le rapport mentionne bien 68 mosquées supplémentaires gravitant dans la même sphère d’influence à ajouter, ce qui porte à 8% le nombre sur le total des mosquées. Mais bien d’autres mosquées professent et diffusent la même idéologie, les exemples sont légions. Notamment des mosquées de la fédération algérienne de la Grande mosquée de Paris(GMP), réunissant 700 mosquées !
Ainsi, la mosquée Mesjed Ennour au Havre techniquement liée à la GMP a longtemps eu un imâm relayant les Frères Musulmans sur ses réseaux sociaux, et participant aux évènements des Frères en Normandie. A Troyes, la mosquée des Bas-Trévois avait recruté comme imâm Abdelilah Ziyad, recommandé par l’Institut d’imâm des Frères (L’IESH), cerveau des attentats de Marrakech et qui fréquenta Mostefai, un des terroristes du Bataclan. La Grande mosquée de Toulouse, pourtant membre de la GMP, a pour imâm Mohamed Tatai, épinglé par la justice pour avoir cité un Hadith appelant à tuer les Juifs, dont le prêche sur le « sacrifice en islam » glorifiait le jihâd en citant Yussuf Al-Qaradâwi, idéologue des Frères. D’ailleurs Dalil Boubakeur avait soutenu Mohamed Tatai.
Car la Grande mosquée de Paris, alignée sur Alger qui a refusé de condamner le « Déluge d’Al-Aqsa », nom de l’opération terroriste du 7 octobre 2023 en Israël, a une alliance lointaine avec Musulmans de France, comme nous l’avions expliqué dans un autre article.
Déjà, en mars 2005, Dalil Boubakeur vint au congrès des Frères Musulmans de l’UOIF pour exprimer toute son amitié à son président Lhaj Thami Breze. Interrogé sur la nature de leurs rapport il affirma : « Notre vieille amitié, c’est une amitié d’une décennie[…] nous voulons taire nos différences ou nos divergences de points de vue pour voir l’essentiel, l’essentiel. L’essentiel nous l’avons dit c’est la réussite de la communauté musulmane dans son insertion harmonieuse, sereine, dans la société française »
– Un journaliste posait la question : « mais il en reste des divergences ? »
– Boubakeur : « heu écoutez, des divergences non, nous avons été très francs, vous savez on a jamais caché nos divergences quand il y en a eu nous l’avons dit à un moment donné pour la constitution du CFCM, nous n’avons pas été tout à fait d’accord, et pendant le parcours de la consultation forcément il y a eut des moments mais là récemment avec la fondation nous avons vu que nos convergences sont vraiment trop fortes , sont vraiment importantes, donc nous allons inch’Allah aujourd’hui poser la pierre à partir de laquelle nous allons construire la confiance et le dialogue qui nous manquait vraiment […] Nos différences de visions ne doivent pas nous diviser, car nos objectifs sont tous convergents, seules nos méthodes peuvent différer. »
Dans son Guide de l’étudiant pour apprentis imâms, la Grande Mosquée de Paris cite en référence bibliographique le cheikh frériste Yusuf al Qaradawi (+2012) laudateur du Hamas ainsi qu’ un manuel de charia (Risâla de Qaraywani) considérant le jihâd comme un devoir afin de soumettre les non musulmans, et appelant à tuer ceux qui insultent le « prophète » ainsi que les homosexuels. Dans sa version arabe décryptée par l’islamologue Lina Murr Nehmé, ce Guide de l’étudiant promouvait un autre Frère Musulman, Wahbat Az-Zouhayli.
Depuis, les initiatives de collaboration avec les Frères Musulmans n’ont pas cessée. En 2016, un congrès national des musulmans fut organisé par les deux fédérations. En novembre 2021, le nouveau recteur Chems Eddine Hafiz alla à l’école de formation d’imâms de l’UOIF (renommée Musulmans de France), l’IESH, afin de soutenir cet incubateur à islamistes d’où énormément de profils radicaux ont été formés, jusqu’à des terroristes. La Grande Mosquée de Paris participe à un Conseil National des Imâms, voulu par Gérald Darmanin, regroupant toutes les mouvances islamistes : Tabligh, Frères Musulmans et Millî Görüş turc !

Aussi, le Millî Görüş turc est le grand allié international de la confrérie égyptienne, qui regroupe en France 71 mosquées et également un réseau d’écoles privées. Une fédération scolaire nommée Union européenne pour l’enseignement privé musulman (UEPM) regroupe actuellement cinq écoles primaires et secondaires.
Cette organisation relayant la ligne islamiste du pouvoir turc, dont le projet à long terme est le rétablissement d’un califat poussant son aire d’influence des Balkans jusqu’en Syrie, est la vieille alliée de l’UOIF du temps du Conseil Français du culte musulman.
Dans la sphère de compatibilité avec le frérisme, il faut ajouter les 147 mosquées du Tabligh dont les responsables entretiennent les meilleures relations aussi bien avec le Millî Gorüş (son président Hamadi Hamammi vient toujours au congrès annuel du Millî Görüş) qu’avec Musulmans de France. Ainsi la mosquée Baraka de Lunel (qui fut fréquentée par une vingtaine de djihadistes partis en Syrie, dont 8 sont morts sur place) invite des imâms fréristes à prêcher comme Abdelmonaim Boussenna en mai 2016 et Nourredine Aoussat en mars 2016, ce dernier considérant le Frère Musulman égyptien Safwat Hijazi comme un « frère et compagnon de la Dawa’ », déplorant son emprisonnement pour terrorisme en juin 2015.
Aussi, les meilleurs élèves au sein de l’école coranique de la mosquée de Lunel, fréquentée par trois cents individus, sont envoyés à l’école de charia des Frères en France l’IESH, ainsi que nous l’informait sa page Facebook le 7 avril 2019.
Selon le Renseignement territorial « depuis sa construction, la mosquée El Baraka a généré chez les musulmans de la commune, une forme de repli identitaire massif » et, plus inquiétant, les services ont relevé une « contestation des prêches de l’ancien imam qui avait condamné les attentats perpétrés par Daech » ainsi que des menaces physiques pour intimider les gestionnaires précédents. D’ailleurs, le président de la mosquée Lahoucine Goumri avait refusé de condamner ses fidèles partis rejoindre l’Etat islamique, répondant aux questions du Midi Libre en décembre 2014 : « C’est leur choix. Je n’ai pas à les juger. Seul Dieu les jugera. ».
Pourquoi Le Tabligh n’est-il pas dans le collimateur de l’Intérieur, et ne fait jamais l’objet d’articles dans la presse ? Lire notre article sur cette organisation.
Il faut aussi parler de grandes mosquées indépendantes qui ont des liens de sympathies avec les Frères Musulmans, à l’instar de la Grande mosquée de Créteil dont la librairie diffuse les théoriciens de la confrérie, et de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, qui fit un communiqué de soutien à Tariq Ramadan lorsqu’il fut dans la tourmente judiciaire.
Donc les chiffres de mosquées et écoles compatibles avec l’idéologie frériste sont bien supérieurs à ceux stricto-sensu des institutions liées directement à Musulmans de France (nouveau nom de l’UOIF). Pour les mosquées, si on ajoute aux 139 de MF les 700 algériennes, les 71 mosquées du Millî Görüş et les 147 du tabligh , on arrive à 40% des 2600 mosquées qui sont membres ou alliées aux Frères !
Centre méditerranéen de recherche sur l’islamisme, 20 mai 2025.