
Al-Dhimma : que prévoit la charia pour les chrétiens en terre d’islam ?
janvier 13, 2025
La face cachée des Mollahs iraniens – interview avec Emmanuel Razavi
janvier 13, 2025
Extrait de l’ouvrage de l’islamologue Marie-Thérèse Urvoy, Essai de critique littéraire dans le nouveau monde arabo-islamique, éditions Cerf, 2011, pages 170 et 171. Avec l’aimable autorisation de l’auteur pour le CEMRI.
Soufisme et islamisme
Au moment où, en Occident, se manifeste un véritable engouement pour la mystique musulmane, le sunnisme ne
cache pas sa grande méfiance à son endroit, la considérant comme étrangère à l’islam authentique, et voit en elle un danger pour la foi et l’orthodoxie musulmanes. Aussi le soufisme se présente-t-il volontiers aujourd’hui comme l’antidote de l’islamisme, puisqu’il semble permettre à chacun de « se tailler » un islam à sa mesure. Mais en réalité, il ne s’agit le plus souvent que de superposer une structure mentale à l’islam lui-même en tant que foi et pratique.
Ainsi, Eric Geoffroy, converti à l’islam et adepte du soufisme, regrette que certains groupes fassent de celui-ci « une
sorte de sagesse universelle, supraconfessionnelle, aseptisée, hors de toute tradition religieuse, un énième produit de
consommation pour Occidentaux. Chez Pir Vilayat Khan, ils ne parlent jamais d’islam ni du prophète; or, on ne peut pas
suivre une voie spirituelle sans prendre appui sur une tradition religieuse orthodoxe1.» D’où le slogan qu’il martèle : « Pas de tariqa [voie mystique] sans šarīa [loi religieuse]; pas de šarī’a sans tariqa. »
Le šayh Khaled Bentounès, chef de la confrérie soufie des ‘Alawiyya et figure soufie la plus populaire aujourd’hui en
France, témoigne lui aussi de son attachement à l’orthodoxie. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur la façon croustillante dont, dans un livre consacré au soufisme, il justifie la polygamie :
Souvent la critique est faite a l’islam que l’homme peut épouser quatre femmes alors que la femme ne peut épouser qu’un homme. Le problème est avant tout pour l’islam un problème de responsabilité et de paternité. Un homme peut la même nuit faire l’amour avec quatre femmes et procréer avec elles quatre enfants. Une femme peut faire l’amour la même nuit avec plusieurs hommes, elle ne pourra procréer qu’un seul enfant. Qui en sera le père juridiquement ? C’est donc un problème de droit qui protège l’individu dans sa personne et dans ses biens.2
Le terme « soufi» désigne donc bien, avant toute chose, un adepte de l’islam, auquel on accole simplement l’attribut de
soufi. Si bien qu’en Europe le soufisme sert souvent de cheval de Troie à l’islamisme. En effet, presque toutes les conversions à I’islam se font par la voie du soufisme, car l’islam n’apparaît à première vue que comme un cadre général et lointain et ne manifeste sa prégnance qu’à la longue. En outre, le soufisme est présenté comme un islam doux, spirituel et tolérant, alors que la langue et les arguments qu’il emploie sont exactement les mêmes que ceux des islamistes. Il ne faut pas oublier que – comme l’a montré Eric Geoffroy en personne – l’achèvement de l’islamisation de l’Egypte, par exemple, fut accompli sous l’égide des milieux soufis, de la fin du VIIème/XI siècle au début du X/XVI ème siècle, au moyen de campagnes violentes contre les élites chrétiennes et de créations de madrasas jusque dans les
campagnes les plus reculées.
Contrairement à une opinion couramment répandue aujourd’hui, le soufisme, tel qu’il a toujours été pratiqué, s’accorde parfaitement avec les préceptes coraniques qui prescrivent à la Communauté musulmane de soumettre et d’inférioriser les non-musulmans.